Itinéraire d’un dessinateur de bande dessinée

Publié le 22/09/2021 Temps de lecture : 6 min

Philippe Aymond, dessinateur de bande dessinée depuis l’âge de 21 ans, a travaillé avec Pierre Christin, le scénariste de la célèbre série Valérian, mais aussi avec Jean Van Hamme et LF Bollé. Le dessinateur, aujourd’hui âgé de 53 ans, a également travaillé seul en réalisant à la fois le scénario et le dessin. Également coloriste sur ses propres planches, Philippe Aymond se définit comme un couteau suisse de la bande dessinée.

À l’occasion du festival BD d’Ambierle 2021, Philippe Aymond est à l’honneur. Il sera présent à l’Office de Tourisme de Roanne, pour une séance de dédicace, le vendredi 24 septembre de 15h à 18h. Et sur les lieux du festival BD, à Ambierle, le samedi 25 et le dimanche 26 septembre.
Une exposition lui sera également consacrée du 9 au 25 septembre à l’Office de Tourisme de Roanne, 35 de ses dessins seront exposés.
De plus, une affiche dessinée par Philippe Aymond sera en vente à l’Office de Tourisme de Roanne et sur le festival BD à Ambierle. Cette affiche représente la ville de Roanne vue du ciel avec l’héroïne Lady S en premier plan.

Comment avez-vous procédé pour l’élaboration du dessin de la ville de Roanne ?

Pour ce dessin, je voulais une vue aérienne, c’était l’idée de départ. J’aime les villes vues depuis les toits, et j’adore dessiner des perspectives. Plus c’est compliqué, plus ça m’amuse. J’ai trouvé sur internet une reconstitution de Roanne en 3D, et ça m’a servi de base. Ensuite, j’ai dû tricher pour faire une image cohérente et faire apparaître tous les éléments dans la composition.

Parlez-nous de votre héroïne Lady S

Lady S est une série que nous avons créée en 2004 avec Jean Van Hamme (le scénariste de XIII et Largo Winch). C’est la fille adoptive d’un diplomate américain, qui devient espionne malgré elle. Elle est engagée par un service secret européen, le CIRCAT, qui agît dans le cadre de la lutte anti-terroriste, et qui l’oblige à espionner pour lui, en exerçant sur elle un chantage. Car elle a un lourd passé de cambrioleuse sur la côte d’azur. C’est son ami d’enfance, Anton Grivenko, ex-cambrioleur également, qui lui a enseigné le vol pour survivre, quand elle avait douze ans et qu’elle s’est retrouvée orpheline. La spécialité d’Anton, c’est l’ouverture des coffres-fort. Il fait, comme Lady S, partie des agents recrutés par le CIRCAT. Et tous les deux doivent accomplir des missions secrètes pour ce service.

Je peux à peu près tout faire, dans un style réaliste. J’ai travaillé sur les séries Canal Choc, Les 4X4, AD Grand-Rivière, ApocalypseMania, Lady S, Highlands, Bruno Brazil, ainsi que sur plusieurs romans graphiques et albums collectifs.

Quelles sont les différentes étapes de la création d’une BD entre le dessinateur et l’écrivain ?

En général, c’est le scénariste qui donne la première impulsion. Il a une idée qu’il développe sous forme d’un projet, soit de série, soit d’histoire complète. Ensuite, il cherche le dessinateur capable de se greffer sur cette idée. Mais parfois, un projet peut naître d’une discussion entre le scénariste et le dessinateur sur une envie commune, s’ils se connaissent déjà.

Une fois que les bases de l’histoire sont posées, le scénariste réalise ce qu’on appelle le découpage, c’est-à-dire la description page par page et case par case des différentes séquences. Les dialogues sont également intégrés à ce découpage. C’est souvent assez précis, et c’est ce document que le dessinateur utilise pour travailler. À partir de là, il réalise d’abord ce qu’on appelle le story-board, qui est un croquis général de la planche, sans détail mais avec l’essentiel : la mise en page des cases, les plans larges, les gros plans, les mouvements des personnages… Ensuite, il passe à l’étape du dessin définitif. Traditionnellement, il faisait d’abord un dessin au crayon, repassé à l’encre.

La couleur était réalisée ensuite sur une épreuve à part, et le tout était superposé à l’imprimerie. Cette méthode de travail existe encore, mais aujourd’hui, entre les techniques de couleur directe à l’aquarelle ou à l’acrylique et, bien sûr, le dessin numérique, les méthodes de travail se sont diversifiées, et chaque dessinateur a sa propre façon de procéder.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Lorsque j’écris une histoire, ça peut venir de plein d’éléments différents. Mais pour Lady S spécifiquement, dont j’écris maintenant les scénarios, je suis beaucoup l’actualité géopolitique et, bien sûr, les affaires d’espionnage qui sortent dans la presse. Ensuite, à moi et mon imagination de transformer une idée trouvée dans la presse en une histoire romanesque, qui s’adapte à l’univers de Lady S.

Pour le dessin, je me documente énormément, car je travaille dans un style réaliste, qui tente de restituer une certaine réalité. J’aime que les lecteurs s’y retrouvent, reconnaissent les lieux ou les objets qu’ils voient dans mes dessins. Les voyages, les lieux, sont aussi une grande source d’inspiration. L’idée d’Highlands, qui se déroule en Ecosse au XVIII^e siècle, est née lors d’un voyage sur place. Au départ, c’était surtout une envie graphique, un désir de dessiner ces magnifiques paysages.

Et dans le tome 13 de Lady S, j’ai utilisé Paris comme cadre à mon histoire, pour pouvoir dessiner tous les lieux que je fréquentais quand j’étais enfant. Mais il n’y a pas de règle établie, et l’inspiration reste un mécanisme mystérieux.

Sur ApocalypseMania, par exemple, qui est une série de science-fiction, j’ai beaucoup travaillé sur des visions rêvées, des constructions géométriques, des perspectives impossibles, des expérimentations graphiques presque abstraites.

Quels sont vos projets en cours ou à venir ?

Actuellement, je dessine le 3^e tome des Nouvelles Aventures de Bruno Brazil sur scénario de LF Bollée. Ensuite, il y aura un nouveau Lady S, ou peut-être le démarrage d’un nouveau projet. Il faut au minimum neuf mois pour réaliser un album, et je n’aime me projeter trop loin dans l’avenir. Je profite au maximum de l’album sur lequel je travaille, sans me donner d’objectif à trop long terme.